Overblog
Editer la page Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
alkivoyage.over-blog.com

4. La vie à bord

Ceux ou celles qui ont déjà navigué ou vécu à bord d'un voilier ne trouveront sans doute pas cette rubrique très originale. En revanche, les irréductibles terriens qui sont convaincus qu'ils ne pourraient en aucun cas s'inviter à notre bord pour quelques jours trouveront peut-être de quoi se décider à tenter l'expérience... ou pas !

La première inquiétude est probablement : "A-t-on le mal de mer ?" Eh bien, ça dépend ! En général on ne se sent pas très à l'aise au cours des premières heures, voire des premiers jours de navigation. Certaines personnes sont plus sensibles que d'autres à la sensation de déséquilibre qu'on éprouve sur un bateau en mouvement, mais si on commence par une navigation dans des conditions faciles et qu'on reste à bord une fois la navigation terminée, le cerveau enregistre rapidement les modifications et l'adaptation ne tarde pas. Par exemple nous avons quitté Cordemais le dimanche après-midi, navigué jusqu'au lundi matin sur une mer calme, puis passé les jours suivants sur le bateau bien amarré dans la rivière de Bélon. Quand nous avons repris la mer le vendredi matin, bien brassés par une forte houle, nous n'avons pas été malades du tout, même si la navigation s'est avérée plutôt inconfortable. C'est ce qu'on appelle être "amariné". C'est d'ailleurs un état passager... Si nous revenions vivre à terre une semaine, il est probable qu'à notre retour sur le bateau il faudrait passer par une nouvelle étape d'adaptation pour être à l'aise. Rien de gagné pour toujours !

Il y a quand même quelques astuces anti-mal de mer. Ne pas partir le ventre vide; être bien couvert; se tenir à l'extérieur du bateau (dans le cockpit); garder le regard sur l'horizon plutôt que sur le bateau lui-même; enfin le remède souverain si on sent venir un état nauséeux : prendre la barre. Cette activité oblige à se concentrer sur l'horizon, à se tenir en équilibre, à penser à autre chose ! Bon, les médicaments doivent aider aussi mais nous on n'en a pas et je crois qu'on n'en a jamais pris.

Barrer... si on se sent un peu barbouillé !

Barrer... si on se sent un peu barbouillé !

Quand on est amariné la vie à bord devient beaucoup plus simple. On peut sans problème rester à l'intérieur du bateau pour cuisiner, faire la vaisselle ou sa toilette... ou ne rien faire du tout ! Comme dans une maison, quoi. Et si on navigue, on a le plus souvent envie d'être assis dans le cockpit à regarder le paysage.

Ce qui m'amène à la deuxième question : "Mais comment passer son temps sur un bateau ?" Presque comme chez soi à terre, sauf qu'il faut s'imaginer dans un petit appartement avec vue mais dont on ne sort pas tout le temps. Pour qui aime lire, écouter de la musique ou la radio (et ça varie en fonction du lieu, nous avons eu droit à du breton et maintenant c'est toujours en anglais!) ou encore écrire, faire de petits bricolages, préparer de bons petits plats... l'occupation ne manque pas. Et puis comme un voilier est un tout petit espace, c'est vite le bazar si on ne range pas; le ménage est donc aussi une activité indispensable pour préserver un cadre de vie confortable. Evidemment, on n'a pas la télé. Mais comme nous en faisons peu d'usage, ça ne nous manque pas. Il y a aussi l'ordinateur et de nombreux films sur un disque dur... ça peut être bienvenu les jours de mauvais temps.

Lecture au salon... non, dans le cockpit !

Lecture au salon... non, dans le cockpit !

Et puis bien sûr, on sort ! Cette année nous faisons une navigation auprès des côtes, pas de longue traversée de plusieurs jours ou semaines. Les sorties à terre sont donc quotidiennes ou presque. Selon les escales nous pouvons être dans des endroits très tranquilles où les promenades à pied sont notre seule distraction, ou des lieux plus urbanisés qui nous offrent les joies du shopping, de la visite touristique ou du pub... tout en gardant la marche à pied car c'est la base de notre déplacement à terre ! Mais j'allais oublier notre moyen de locomotion entre le bateau et la terre : l'annexe !

Les déplacements avec l'annexe méritent un petit topo; c'est loin d'être aussi évident que mon capitaine le croit. D'abord je dois préciser que notre annexe est écolo : de préférence c'est à la voile qu'on l'utilise, mais les avirons sont aussi très utiles. Un brave moteur hors-bord attend dans un coffre du bateau que nous faisions appel à lui un jour, je ne sais pas quand; les déplacements silencieux à la voile nous conviennent. Il va sans dire que c'est Eric qui s'occupe de mener l'annexe : il grée la voile, il met en place dérive et safran, manie les avirons... et moi je suis la passagère. Au besoin je peux chanter pour l'encourager s'il lui faut ramer trop dur ! Mais je n'ai pas tout le temps le coeur à chanter... Déjà il faut y monter, dans cette annexe ! Ou plutôt y descendre quand il s'agit de quitter le bateau, et pour peu que des vagues la secouent un peu, je commence à serrer les fesses sur mon échelle, ce qui ne facilite nullement l'opération. Eric s'emploie à maintenir l'annexe bien plaquée contre la coque, et m'encourage : "Là maintenant tu descends, et vite vite tu t’assoies sur le banc au milieu !" J'obéis de mon mieux, dans mon propre intérêt : je ne suis pas très bon juge de la technique à adopter. Ouf, je suis assise confortablement et c'est parti pour une mini-traversée jusqu'à la côte. Je me détends... pas très longtemps, la terre approche ! Si on accoste un quai, il va y avoir une échelle ou un escalier sur lequel prendre pied, vite, c'est la règle. De préférence j'emporte avec moi le bout d'amarrage que j'ai passé, du moins je l'espère, du bon côté de l'étai pour pouvoir retenir l'annexe où Eric doit rester le temps d'ôter voile, dérive, safran, avirons... Si on accoste un ponton, il y a plusieurs options : il peut être confortable, je veux dire à bonne hauteur pour que j'y monte facilement, bien dégagé, pas glissant... ou bien il peut être trop haut, encombré d'autres embarcations qu'il faudra peut-être escalader, trempé, etc... Je crois que je n'ai pas encore fait le tour de toutes les acrobaties éventuelles ! Ah, on peut aussi accoster sur une plage, et là il faut mettre les pieds dans l'eau (pas bien chaude !) avant de tirer l'annexe sur le sable et de la remonter jusqu'à un anneau ou quelque chose qui nous permette de la sécuriser avec chaîne et cadenas. Elle est si jolie, notre annexe, qu'on n'a pas envie de se la faire piquer ! Je vous laisse imaginer les opérations inverses pour le retour au bateau et vous avez une idée de ce que signifie le mot débarquement; qui a dit "une partie de plaisir" ?

Le premier essayage de notre annexe, à Fromentine.

Le premier essayage de notre annexe, à Fromentine.

Il n'y a pas que l'annexe qui soit écolo; en fait vivre à bord d'un voilier fait prendre conscience de tout ce qu'on peut consommer sans réfléchir à terre. Nous produisons notre énergie électrique avec deux panneaux photovoltaïques de 200 Watts chacun; c'est une production relativement importante qui s'adapte à nos besoins : si nous consommons de l'électricité, les panneaux en produisent. Cela assure naturellement notre éclairage mais aussi le fonctionnement du réfrigérateur, de l'ordinateur, du pilote automatique en navigation, le chargement de nos téléphones ou autres appareils. Cependant il faut surveiller le niveau de charge des batteries et éviter la sur-consommation. Nous avons une tonne d'eau douce à bord. C'est beaucoup mais ça ne dispense pas de l'utiliser avec précaution. Nous ne faisons pas la vaisselle à l'eau de mer comme c'était l'usage autrefois sur des voiliers moins équipés; nous pouvons prendre des douches chaudes car il y a un chauffe-eau également; je n'hésite pas à me laver les mains aussi souvent que nécessaire ! Non, vivre à bord d'un voilier ne veut pas dire qu'on va vivre sale. Mais tout de même, si nous vidons la cuve trop vite il faudra aller dans un port pour refaire le plein, et nous ne voulons pas y être contraints trop souvent. Alors on utilise l'eau avec économie, ce que nous devrions toujours faire d'ailleurs ! Et puis il y a les déchets. Dans nos maisons c'est assez facile de trier et de stocker en vue d'un recyclage, mais à bord d'un bateau il y a moins de place pour entreposer des poubelles. On prend d'autant plus conscience de tous ces emballages inutiles ! Finalement, vivre à bord d'un voilier c'est être très éco-responsable.

 

La vaisselle, avec le sourire !

La vaisselle, avec le sourire !

Je n'ai pas abordé la question des vivres... pourtant cruciale pour les épicuriens que nous sommes ! Sur un bateau de la taille d'Alkinoos, il y a de quoi faire du stock de marchandises, et nous avons bien garni les coffres. On y trouve des conserves de légumes, des pâtés et terrines en tous genres, la base de notre alimentation en lait, thé, café, sucre, pâtes, riz, céréales, sauces et condiments de toutes sortes, plus des douceurs comme les confitures, biscuits, préparations pour faire des laitages... Voilà pour le fond non périssable qui devrait nous éviter de nous transformer en mulets à l'heure du ravitaillement à terre. Il y a aussi une certaine quantité de pommes de terre, carottes, oignons, pommes, noix, oeufs etc... qui peuvent tenir quelque temps sans se gâter. Dans le frigo, de belle capacité, nous avons des fromages, des viandes ou charcuteries sous vide, des yaourts, de quoi manger frais pendant plusieurs jours. Et puis quand nous rencontrons une épicerie ou un marché, nous faisons une petite provision de pain, de légumes verts, de fruits quand l'été sera là. C'est pour effectuer ces achats de frais que nous descendons à terre avec le sac à dos, mais nous n'avons jamais de courses très importantes à faire. Nous espérons aussi pêcher un peu, nous essaierons d'attraper quelques crabes avec notre casier tout neuf, mais nous n'osons pas trop compter sur notre succès dans ce domaine. On trouvera bien des poissons et crustacés en vente en Ecosse ! J'allais oublier un détail : nous avons aussi garni les cales de quelques flacons ! Cubis de vin pour tous les jours, bonnes bouteilles pour fêter quelque chose (fêter quoi ? on trouvera !) ou pour partager avec des invités, voire pour offrir à des autochtones sympathiques. Nous avons aussi du rhum, comment faire sans ? D'autant plus qu'il nous en a été offert avant notre départ, nos amis nous connaissent bien ! Vous voyez que nous ne manquons vraiment de rien. Et il reste de la place pour acheter des spécialités locales !

J'espère qu'on en trouvera !

J'espère qu'on en trouvera !

Alors, elle est pas belle la vie sur l'Alki ?

 

Partager cette page
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :