20 Avril 2024
Une semaine tout juste dans le petit port de Morro Bay ! Nous avons aussi exploré les alentours en voiture, puisque nous ne maîtrisons pas le choix de nos escales avec le bateau.
De Morro Bay, nous garderons le souvenir d'un endroit très calme, sans aucun moteur pétaradant autour de nous, où le seul bruit que nous entendons est l'aboiement sonore des otaries : elles se disputent les meilleures places sur un petit ponton assez proche. L'autre spectacle quotidien (mais impossible à photographier de près), c'est celui des loutres qui promènent leur petit sur leur ventre, tout en godillant avec la queue.
Nous apprécions également l'accueil des membres du Yacht Club qui font leur week-end d'ouverture sous la pluie, hélas ! Nous sommes invités à une petite soirée informelle dans la belle et grande salle du Club House, et bavardons avec plusieurs personnes sympathiques et aussi serviables qu'on peut souhaiter. L'une d'elles, Judi, a appelé pour nous Steve, un électricien qui vient voir ce qu'il en est de notre alternateur ; bonne surprise, la "panne" n'était qu'un simple fil débranché sous le tableau de bord du cockpit. Plus de peur que de mal !
À Morro Bay, on trouve aussi une laverie automatique avec de bonnes grosses machines qui lavent et sèchent bien pour un prix raisonnable (11 € pour deux lessives), avec en plus du personnel aimable. D'ailleurs, tous les gens à qui nous avons l'occasion de parler sont aimables, c'est une constante. Au supermarché Albertson's, on trouve de beaux produits, tant les fruits et légumes (frais et bio) que la viande ou l'épicerie générale. Seul bémol, c'est bien cher. En particulier les fromages, que nous allons devoir chasser de notre menu quotidien, à raison de 6 ou 7 $ pour le moindre petit morceau de gouda ou cheddar. Nous voyons du Roquefort à 12 $ la minuscule portion ! La variété de produits surgelés est grande, mais la taille des portions nous effraie. Évidemment, un brave marché comme ceux que l'on trouve en Europe ferait notre bonheur, mais pour l'instant ça semble inconnu dans ce pays.
Puisque nous avons du temps devant nous et qu'il semble improbable que nous fassions escale à Monterey (si un créneau favorable se présente, nous monterons vers San Francisco le plus vite possible) nous décidons d'aller rendre visite à notre amie Bobbi. Il n'y a pas d'agence de location de voitures à Morro Bay, mais un bon service de bus nous permet de rallier facilement San Luis Obispo où nous réservons, grâce à l'application TURO, une jolie petite Fiat 500 vert d'eau...
Mardi matin : c'est parti pour deux jours de rêve ! Bobbi nous a prodigué des conseils astucieux et au lieu de faire tout le trajet sur la Highway 101, nous bifurquons vers une petite route qui nous amène à Carmel Valley Village. Après les vignobles à perte de vue, voilà des forêts, le petit pont sur Arroyo Seco, une campagne verdoyante au milieu de petites montagnes... on pourrait se croire en France, quelque part dans le sud du Massif Central. Le village de Carmel Valley est tout aussi charmant, campagnard, on n'a pas du tout l'impression d'être au cœur de la Californie touristique. Nous y avons rendez-vous avec Bobbi, qui vient tout exprès de Monterey pour nous servir de guide dans la région. Et quel guide !
Après le déjeuner à Carmel Valley Village, nous descendons vers Carmel-by-the-Sea. La Mission fut fondée à la fin du 18e siècle par Junipero Serra, frère franciscain espagnol venu évangéliser les Indiens de la Haute Californie, à une époque où il n'y avait encore aucune trace de la colonisation qui allait se développer. Je trouve le site très pittoresque, avec sa basilique et son jardin perchés sur la colline qui domine le Pacifique. Bon, il faut bien dire que l'urbanisme a envahi les lieux, mais rien de disgracieux dans les alentours : toutes les maisons sont belles, les jardins sont boisés, on ne peut qu'admirer...
En descendant vers la mer, nous ne savons pas où donner du regard tellement tout est magnifique autour de nous. Dans les rues commerçantes, les boutiques, sans être ostentatoires, affichent un chic indéniable. Je n'ose pas décrire le style des bâtiments, je dirais des bêtises... mais ils me rappellent parfois les belles demeures construites dans les stations balnéaires du début du 20e siècle, en Angleterre ou en Normandie. La plage de Carmel est une splendeur... sable blanc d'une incroyable finesse, eau turquoise largement frangée d'écume éblouissante, quelques rochers comme un rappel de la Bretagne, mais une végétation qui ressemble plus aux rivages méditerranéens.
Nous suivons la voiture de Bobbi qui nous entraîne le long de la côte (presque sauvage, fleurie d'une façon incroyable), et partout nous sommes émerveillés de la grâce des maisons face à la mer. Ici, pas de volets sur les grandes ouvertures, pas de clôtures mais des espaces verts entretenus avec un soin incroyable, et surtout les maisons ne semblent pas être des résidences secondaires mais bien des endroits habités.
Alors que nous pensons avoir vu le plus beau, Bobbi nous conduit vers Pebble Beach ; l'accès est réglementé car il n'y a sur cette pointe que des golfs, hôtels de grande classe et yachtclubs privés (et puis aussi quelques tennis pour faire bonne mesure). À chaque barrière où un péage est annoncé, Bobbi dit quelques mots au gardien et la route s'ouvre pour nous, avec un sourire en prime. Mais comment fait-elle ? Alors que nous imaginons déjà qu'elle est la petite amie de quelque personnalité influente, elle nous révèle sa botte secrète : elle déclare qu'elle vient rendre visite à une amie qui réside dans ce quartier, amie qu'elle a prévenue au préalable et qui a autorisé notre visite (fictive, la visite, mais finalement nous n'étions pas loin de la vérité, Bobbi a des relations !) Nous allons donc pouvoir admirer, entre autres, une adorable crique au milieu des terrains de golf où les voiliers du club viennent mouiller à la belle saison. Les panoramas sont splendides, on en prend plein la vue.
Ce n'est pas fini, nous roulons ensuite vers Pacific Grove, paysage plus ouvert sur le Pacifique et là encore les maisons sont extraordinaires. Enfin nous arrivons à Monterey ; Bobbi habite dans le "New Monterey", quartier résidentiel qui s'est beaucoup développé dans les années 50. On y voit aujourd'hui de jolies maisons ou petits ensembles d'appartements comme celui de Bobbi. Mais au début du 20e siècle c'était, plus bas sur la colline, le quartier où résidait toute la main d'œuvre des conserveries de poisson de la rue connue sous le nom de Cannery Row, en référence au roman de John Steinbeck (Rue de la sardine, en français). Les petites bicoques en bois des Espagnols, Italiens, Japonais, Chinois, qui travaillaient dur dans la puanteur de ces usines, ont presque toutes disparu. Notre hôtel nous attend juste un peu plus loin, à l'entrée du port et du quartier "Old Monterey".
La soirée passe à toute vitesse, entre un apéritif face à la mer au bar de Monterey Tides et le dîner chez Bobbi où nous nous régalons d'un délicieux plat italien : un cioppino, ragoût de fruits de mer et de poissons, spécialité de la région. Quelle journée magnifique !
Mercredi nous parcourons à pied, et en amoureux, le port et les rues de Old Monterey. Les bâtiments historiques tels que Custom House ou Pacific House me passionnent car j'y retrouve une illustration totale de ma lecture actuelle. Entre l'histoire de la ville à ses débuts espagnols et le commerce des peaux pratiqué dans les années 1830-40, toutes sortes de détails que j'avais imaginés en lisant Deux années sur le gaillard d'avant sont présentés sous forme de tableaux, maquettes, objets du quotidien. Ces petits musées sont libres d'accès, ce que nous apprécions beaucoup ; une donation volontaire est suggérée.
Nous retrouvons Bobbi pour aller déjeuner à Pacific Grove ; cette fois c'est l'occasion de goûter une autre spécialité locale, le Clam chowder, sorte de potage aux palourdes et pomme de terre, crémeux à souhait. Il fait beau, nous mangeons en terrasse dans un endroit agréable, le bonheur. Un petit tour encore, ne pas partir sans acheter dans une adorable librairie quelques livres en version originale. Bobbi m'offre même The Dictionary of Lost Words, de Pip Williams, roman qui fera certainement mes délices dans les semaines à venir.
Il est temps de quitter Monterey et de reprendre la route de Morro Bay. Bobbi, ce n'est qu'un au-revoir, nous allons nous retrouver bientôt puisque notre séjour dans la région n'est pas terminé. De retour au bateau, après quelques courses en chemin, Éric consulte ses sites météo habituels. Miracle ! Un créneau favorable à la navigation vers San Francisco s'ouvre demain matin, pour 48h et guère davantage. Nous voilà tout excités, nous n'y croyions plus ! Mais si, jeudi matin ça se confirme et nous nous hâtons de ramener la voiture de location à San Luis Obispo avant de faire un rapide plein de gasoil, et aux alentours de 11h nous sortons de Morro Bay, encore incrédules... Alors vraiment, on va être à San Francisco pour l'arrivée de Christian et Cécile lundi prochain ? Eux aussi sont tout heureux d'apprendre la bonne nouvelle. Nous partons sous un ciel bien gris, mais pas de brouillard épais comme la semaine dernière. Le moteur ronronne, et nous sommes contents !